Sécheresse : comment prévenir le retrait-gonflement des sols argileux (RGA) ?

Le changement climatique intensifie les risques d’événements extrêmes tels que les inondations, la grêle, les tempêtes et les sécheresses. D’ici 2050, les sinistres liés à la sécheresse devraient augmenter de 60 %. Quels en sont les impacts et comment pouvons-nous agir ? Benjamin Poudret, Directeur des Périls Climatiques et Majeurs, nous a apporté des réponses.

Quels sont les dommages et les impacts de la sécheresse, notamment sur l’habitation ?

Ⓒ Thierry Borredon

Benjamin Poudret : La sécheresse géotechnique, ou retrait-gonflement des sols argileux (RGA), est un phénomène naturel causé par la variation de la teneur en eau dans les sols argileux. Les sols, riches en argiles, se contractent et se dilatent en réponse aux cycles pluviométriques. Ces mouvements peuvent provoquer des dégâts considérables sur les constructions. Le RGA est aussi influencé par la composition minéralogique des argiles et par l'environnement immédiat, notamment la présence de végétation et les pratiques de gestion des eaux.

Les maisons individuelles bâties sur des fondations superficielles sont particulièrement vulnérables en raison des variations volumiques du sol, induites par les cycles climatiques. La proximité de la végétation accentue ce phénomène car les racines absorbent l'eau du sol, augmentant ainsi la succion et les variations de teneur en eau. Une mauvaise gestion des eaux pluviales et des eaux usées autour de l'habitation aggrave également le problème car elle peut provoquer la plastification du sol. Les propriétés mécaniques du sol sont alors altérées, ce qui peut mener à des dommages significatifs tels que l'affaissement des fondations, des fissures dans les murs et les planchers, et des problèmes de stabilité structurelle.

En France, le RGA est devenu de plus en plus fréquent et intense depuis 2015, avec une exception en 2021. L'année 2022 a été marquée par une sécheresse de grande ampleur, la sixième en dix ans, avec un coût estimé à plus de 3,5 milliards d'euros selon la Caisse Centrale de Réassurance (CCR). Depuis l'intégration de la sécheresse dans le régime des catastrophes naturelles en 1989, la France a connu six des neuf années les plus sinistrées après 2015. Cette tendance alarmante montre l'importance croissante du RGA, nécessitant des mesures préventives et des adaptations dans les pratiques de construction et de gestion des sols.

Les assureurs sont directement impactés par l’augmentation de la fréquence et la gravité des sinistres causés par le RGA, mettant à rude épreuve les équilibres financiers. Cette situation nous oblige à réviser les modèles actuariels pour mieux anticiper les risques. La sous-évaluation initiale de ce phénomène entraîne une pression accrue sur le secteur, nécessitant des ajustements dans la gestion des risques et une collaboration renforcée avec les autorités et les experts en géotechnique pour élaborer des stratégies d’adaptation efficaces.

3,5 Mds€

C'est le coût estimé de la sécheresse de 2022 selon la Caisse Centrale de Réassurance (CCR)

Que fait Covéa en matière de prévention des aléas liés au changement climatique et à la sécheresse ?

Benjamin Poudret : Face à un phénomène en augmentation pour les assureurs et les propriétaires, il est crucial d'agir à la fois en matière de prévention et de réparation. La mise en place de mesures d’adaptation doit prendre en compte les coûts, la faisabilité technique et l'acceptabilité des différentes parties prenantes.

Covéa utilise des modèles prédictifs pour évaluer l'impact potentiel des variations climatiques sur les sols argileux. Cela permet d'anticiper les périodes de sécheresse et leurs conséquences grâce au développement de scénarios d'évolution climatique. De plus, la création de cartes détaillées des zones à risque facilite une meilleure identification des régions vulnérables.

 

Cette approche intégrée permet à Covéa de disposer d'outils performants pour évaluer les risques, planifier des actions préventives et informer les assurés sur les mesures à prendre pour protéger leurs habitations.

Pour stabiliser les fondations, Covéa peut utiliser des techniques verticales traditionnelles telles que l'injection de résine expansive ou la pose de micropieux et longrines. La consolidation des fondations est également une solution pour éviter les tassements différentiels.

Mais, conscient des enjeux sur la sécheresse liés à la teneur en eau des terrains, Covéa a déployé, en partenariat avec le CEREMA, la solution MACH « MAison Confortée par Humidification ». Cette initiative vise à récupérer l’eau de pluie pour la réinjecter en cas de stress hydrique des sols argileux en période de sécheresse. Le maintien du taux d’humidité dans le sol permet de stabiliser ce dernier et d’empêcher les fissures de s’aggraver. 

Grâce à des solutions comme MACH, Covéa et ses partenaires démontrent qu'une approche intégrée et proactive permet de tester de nouvelles solutions de remédiation via des approches horizontales, de minimiser les dommages, de limiter les impacts de la sécheresse géotechnique sur les infrastructures et les habitations, et d'assurer une meilleure résilience face aux aléas climatiques.

4 conseils pour prévenir les désordres liés au RGA

  1. Surveiller les signes de dommages : inspecter régulièrement les fondations et les murs de la maison pour détecter les fissures ou les signes d'affaissement.
  2. Gérer la végétation : éviter la plantation d'arbres et de végétation près des fondations pour réduire la succion du sol par les racines. Poser des écrans anti-racines.
  3. Vérifier l’étanchéité des réseaux eaux pluviales et eaux usées pour éviter les variations hydriques des sols. Si les eaux pluviales ne sont pas gérées, mettre en place une collecte et une évacuation pour les éloigner du bâti en installant des systèmes de drainage efficaces.
  4. Protéger les sols : mettre en place une protection périmétrique (trottoir ou géomembrane) pour préserver l’humidité des sols. Imperméabiliser sur 1 à 1.5m en collectant les eaux par un drainage en bout de protection.